L’expert en estimations immobilières

Par Gilles Vago

28 Fév

Préambule

Dans cet article nous allons tenter de définir ce qu’est un expert en estimations immobilières et quelles sont les attentes relatives à son mandat.

Préalablement à tout développement, l’auteur de ce texte tient à signaler qu’il n’est pas un expert en définition, que ce texte ne saurait être exhaustif et que de nombreux aspects de l’expertise ne seront simplement pas abordés dès lors que ce blog se veut accessible et généraliste.

De plus, il ne traite que d’une pratique suisse, qui peut fortement s’écarter de celle d’autres pays.

Cet article traitera donc principalement de l’expertise « privée », c’est-à-dire une expertise qui n’est pas commandée par une autorité, judiciaire ou autre.

Si vous recherchez un article relatif aux arbitrages, aux médiations ou aux expertises juridiques, nous vous renvoyons aux différents écrits sur le sujet de Maître Jean-Baptiste Zufferey, Professeur à l’université de Fribourg, et notamment son article « L’expert : clé des procédures dans l’immobilier et la construction » (les schémas mentionnés sont à la fin du texte).

Expert en quoi ?

Le terme d’expertise immobilière est souvent utilisé de manière générique pour définir deux choses distinctes :

  • L’estimation de la valeur de biens immobiliers.
  • L’expertise technique, liée à la dégradation ou à la bienfacture des travaux.

Ce sont deux choses très différentes pour lesquelles les professionnels de chaque domaine se sont organisés en associations :

  • La Chambre Suisse des Experts en estimations Immobilières (CEI) pour les experts dans l’estimation de la valeur des biens immobiliers.
  • Le Collège Suisse des Experts Architectes (CSEA), pour l’expertise technique.

Quelles qualifications ?

Le titre d’expert n’est pas protégé en droit suisse. Seul est protégé le titre d’expert en estimations immobilières avec brevet fédéral.

Malheureusement l’obtention d’un brevet fédéral et le droit de porter le titre y relatif n’est ni la garantie d’une pratique régulière, ni la garantie d’une formation continue, pas plus que la preuve d’une expérience suffisante dans le domaine.

En effet, au moment de se présenter à l’examen du brevet fédéral considéré, c’est une pratique minimum de 3 ans dans un domaine de l’immobilier qui est demandée (pour autant que le candidat possède un CFC, une maturité, un diplôme d’une haute école, etc.). Un domaine, donc pas forcément l’estimation, la gérance et le courtage, par exemple, comptent également.

Trois ans c’est très peu pour acquérir un bagage d’expert, et ceci dans la plupart des domaines. La détention d’un brevet fédéral ne saurait donc être l’unique point déterminant de la qualité d’un expert.

C’est pour pallier les lacunes de crédibilité liées à la seule détention du brevet que la CEI n’admet ses membres que sur examen durant lequel l’aspirant membre est jugé par des experts plus anciens et qualifiés, avec présentation de travaux produits (anonymisé).

Mais l’acceptation par des pairs n’est pas le seul critère, être membre nécessite également l’adhésion à un code déontologique et l’obligation de participer à des séminaires de formation continue.

Alors évidement, même avec de tels conditions, on ne peut pas exclure qu’un séminaire de formation continue ait été bien assimilé ou qu’un membre soit encore dans la pratique. C’est donc à la réputation de l’expert qu’il faut parfois s’en remettre.

Pourquoi un expert ?

L’Expert est, en principe, une personne dotée de connaissances poussées, d’une compétence reconnue et d’expérience importante dans un domaine spécifique.

L’immobilier est un domaine où le juridique, l’économique, la technique, le situationnel et le sociétal sont en constante évolution, il est coûteux de devoir consacrer le temps nécessaire à connaître et à identifier les éléments utiles à la détermination de la valeur d’un bien. Même si, dans l’absolu, la plupart des gens ont les capacités de les acquérir, s’ils y investissent le temps nécessaire.

On fait donc appel à un expert, pour faire l’économie d’un travail de réflexion.

la clé est un symbole de solution
Bien qu’elles puissent avoir des usages très différents, les clés sont en principe des outils qui apportent des solutions. La clé est aussi un synonyme de solution. C’est pour cette raison que nous l’avons adoptée, de manière stylisée, comme logo.
La clé de serrure est aussi très souvent utilisée dans le domaine de l’immobilier comme symbole de propriété.

Mais on le demande également pour éviter certains biais. C’est la raison pour laquelle un expert se doit d’être neutre et indépendant. L’expert devrait, en principe, ne pas avoir une pression susceptible d’orienter le résultat de son travail, ce qui est également explicité dans le code déontologique de la CEI.

L’expert produira un travail de réflexion et en restituera une synthèse ou un développement plus complet (en fonction des besoins), sous la forme d’un rapport.

Comment le rapport devrait-il se présenter ?

Selon nous, ce rapport devrait être rédigé de manière intelligible pour le mandant. Si les réponses qui sont supposées être amenés par le rapport ne sont pas claires dans leur rédaction, alors le mandat n’est pas rempli.

Attention cependant, nous parlons bien de la rédaction et non des conclusions.

En effet, il arrive que l’expert ne puisse pas amener une conclusion tranchée, nette et précise à la question qui lui est donnée.

Que comporte le rapport ?

Cela dépendra bien évidement du mandat qui est confié. Il convient de signaler que certains éléments sont subjectifs car découlant d’une appréciation, comme par exemple la qualité d’une vue.

D’autres, comme les surfaces ou les servitudes, seront essentiellement factuels et ne devraient pas être issus d’approximation.

Quels sont les outils d’un expert ?

Les bases

En dehors de la documentation disponible en ligne ou sous forme papier, de ses connaissances, de son expérience, des logiciels de bureautique ou de dessin technique, etc. le bon sens est l’outil le plus important d’un expert en estimations immobilières, car c’est celui-ci qui lui permettra de trier la grande quantité de paramètres liées au domaine, pour retenir ceux qui sont pertinents et en leur attribuant une importance adaptée.

Les postulats

Mais cela ne suffit pas forcément, parfois l’expert devrait être en mesure de prendre un ou des postulats, respectivement d’émettre des hypothèses.

Néanmoins, celles-ci devraient être crédibles et suivre le principe du rasoir d’Ockham, également connu sous le nom du principe de parcimonie, dont une des formulations modernes est que « les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées »

Ce principe permet d’éliminer (de « raser ») des explications improbables, trop coûteuses en hypothèses.

Il convient de remarquer que certaines hypothèses ne sont pas toujours fixées par les experts, mais parfois par leur mandant, dans un but de maîtriser ou, à tout le moins, d’avoir une vision de scénarios futurs pour lesquels des éléments indépendants de la volonté du mandat pourraient avoir un impact.

Comme par exemple l’obtention d’un permis de construire dans un contexte où le risque d’opposition est concret.

Dans pareil cas, la responsabilité de l’étude du postulat, si l’expert le juge trop éloigné du principe de parcimonie, découle du mandant et devrait clairement être indiqué comme tel dans le rapport.

Faute de quoi, la neutralité et l’indépendance de l’expert pourrait être compromise, ou à tout le moins, perçue comme telle.

Les autres experts

Pour éviter un biais amené par une appréciation trop personnelle ou, par exemple, des conditions de visites particulières, l’expert peut échanger avec un collège d’experts, ce qui lui permettra de consolider ou modérer son jugement. A cette fin, il préférera des profils différents du sien pour « lisser » ses biais plutôt que de les amplifier.

Dans certains cas, tel que le conflit d’intérêt, l’expert ne peut pas accepter son mandat. Avoir des confrères compétents auprès de qui adresser les mandats ne pouvant être assumés prend alors toute son importance.

Gilles Vago
Expert en estimations immobilières avec Brevet Fédéral
Membre de la Chambre suisse d'Experts en estimations Immobilières (CEI)
Clé pour export

28 Fév