Les droits distincts et permanents (DDP)

Par Gilles Vago

30 Juil

Être propriétaire est un rêve pour beaucoup de personnes et cela représente aussi une économie significative comparativement à la location.

Mais l’accession à la propriété est difficile. Ceci découle, en partie, des conditions de financement et des prix élevés des objets mis sur le marché.

Il existe fort heureusement des possibilités pour accéder à la propriété à des coûts moindres.

L’une d’elle est la mise en place d’un droit distinct et permanant (DDP).

De quoi s’agit-il?

Un DDP est un immeuble qui se superpose à un biens-fonds pour une durée de 30 à 100 ans. Le propriétaire du DDP est nommé superficiaire et le propriétaire du bien fonds initial est nommé quant à lui superficiant. La contrepartie étant le versement au superficiant d’un loyer, unique ou régulier appelé rente ou redevance.

Au terme de la durée prévue, le superficiant récupère le plein usage du bien-fonds. Les éventuels bâtiments présents devant être démolis, transférés ou indemnisés, en fonction de ce que l’acte constitutif aura prévu.

L’établissement d’un DDP nécessite un acte notarié où figureront les conditions du DDP, principalement sa durée, le montant et la forme du loyer ainsi que les conditions de retour. Restez attentif, car d’autres éléments peuvent également avoir une incidence.

Exemple

Madame C. a hérité d’un terrain situé en zone à bâtir. Manque de chance pour elle, la zone en question est une zone artisanale. N’étant pas active dans un domaine de l’artisanat, l’utilité du terrain est donc limitée de son point de vue.

Fort heureusement, Madame C. est bien conseillée et ne vend pas le terrain mais rentre en contact avec une entreprise qui cherche à construire un atelier pour ses besoins propres.

Après négociation, elle décide, avec l’entreprise, d’établire un DDP pour une durée de 50 ans, contre une redevance annuel équivalant à 4.5% de la valeur du terrain. Il est également décidé que la rente sera indexée sur la base de l’indice suisse des prix à la consomation (IPC) et que la valeur du terrain pourra être révisée en cas de changement du règlement de zone.

Compte tenu de la destination artisanale, les parties conviennent qu’au terme du DDP,les constructions seront démolies au frais du superficiaire.

Une foi le DDP éteint, Madame C. ou sa succession pourra établir un nouveau DDP ou, si la destination de la zone a changée, construire pour son usage propre.

expert immobilier Vago
C’est au lieu-dit de la porte St James’s que la brasserie Guinness s’est établie le 31 décembre 1759 en signant un leasehold (droit de superficie anglais présentant des analogies avec les DDP) d’une durée de 9000 ans en contrepartie d’une rente annuelle de 45£. Actuellement la propriété a été rachettée par Guinness, dont le site s’est étendu au-delà de l’emplacement originel. Le toucan fait référence à d’anciennes publicité de la marque à la harpe.

Les avantages

Du point de vue du superficiaire, la mise en place d’un DDP est un outil intéressant pour limiter les coûts d’accession à la propriété, car il permet de ne pas devoir payer la valeur du terrain en une seule fois. C’est d’ailleurs pour cette raison que les coopératives d’habitation, dont la vocation est souvent de permettre de se loger à moindre coût, affectionnent de réaliser leurs opérations de mise en valeur sur de tels formes juridiques d’immeubles.

Pour le superficiant, la mise en place d’un DDP est l’opportunité de tirer un revenu d’un terrain dont il n’a pas l’usage, sans pour cela avoir à construire un bâtiment à mettre en location. De plus, il récupère l’entièreté du terrain, voire de bâtiments, au terme du DDP.

Les risques

Attention toutefois, car le DDP présente également des éléments auxquels il faut rester attentif.

Le loyer du terrain dû au superficiant génère un surplus de charges non négligeables pour le superficiaire. De plus ce loyer peut être important.

Il convient, vu la durée dans le temps importante durant laquelle le DDP existera, de prévoir des conditions d’indexation pour permettre d’adapter les conditions de l’occupation du bien-fonds au marché.

En fonction de l’affectation autorisée du terrain sur lequel se situe un DDP (logement, artisanat, etc), il faudra ajuster sa stratégie quant aux conditions de retour.

Demander, en cas d’affectation industrielle, que le terrain soit remis en état pour le terme est judicieux afin de limiter les risques de pollution des sols ou de récupérer un bâtiment bon pour la démolition (les constructions industrielles ayant fréquemment des durées de vie théorique plus courtes et une fonctionnalité plus limitée pour un exploitant tiers).

Tendance

La mise en place de DDP est usitée depuis de nombreuses années outre-Sarine, notamment par les collectivités publiques qui conservent ainsi une maîtrise de leur territoire tout en permettant des entrées d’argent.

En Romandie, la pratique tend à se développer et la vente ordinaire d’un terrain communal, au lieu de la mise en place d’un DDP, est de plus en plus perçue comme une erreur politique.

Conclusion

Chaque DDP est unique, que se soit par les possibilités offertes, par les conditions de retour, par les conditions d’indexation de la rente ou son montant initial, sa durée initiale, sa durée résiduelle, la présence d’une éventuelle servitude, la nature de son superficiaire ou de son superficiant.

Gardez à l’esprit qu’une étude attentive des conditions portées à l’acte constitutif est capitale pour comprendre les enjeux propres à chaque DDP.

Gilles Vago
Expert en estimations immobilières avec Brevet Fédéral
Membre de la Chambre suisse d'Experts en estimations Immobilières (CEI)
Droit distinct permanent

30 Juil